La Palestine, en particulier Gaza, depuis octobre 2023 : situation et mesures

J’y présente brièvement, depuis octobre 2023, la terrible situation de guerre à Gaza qui a causé des dizaines de milliers de morts civils, ainsi que la situation de violation des droits de l’homme par Israël en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Je décris également les mesures prises par les différents organes de l’ONU et reproduis les principaux textes adoptés, car je pense que leur lecture aide à comprendre la gravité de la situation. Cependant, au 4 juillet 2024, ces mesures sont restées totalement inefficaces pour arrêter le génocide. Dans mon bilan final, je demande la suppression du droit de veto du CSNU, veto qui, selon moi, est à l’origine de la faillite du système international actuel.

Toutes les sources d’information consultées sont rassemblées dans un pdf (uniquement disponible en espagnol-castillan) que vous trouverez dans la version espagnole-castillane (castellano) de cette entrée sur ce site web.

Índice

1. La situation en Palestine

1.1. Brève chronologie de la situation de guerre à Gaza et des réactions successives à celle-ci

a) La situation de guerre

Le 7 octobre 2023, le Hamas et d’autres groupes militaires palestiniens ont mené l’opération  » Déluge d’al-Aqsa  » sur le territoire limitrophe de Gaza, qui s’est soldée par la mort de 1139 Israéliens (766 civils et 373 policiers ou militaires) et l’enlèvement de 248 personnes, ce à quoi Israël a réagi en tuant quelque 1500 miliciens palestiniens (selon des sources israéliennes) et en en capturant environ 200.

Israël a déclaré l’état de guerre le même jour et a lancé une offensive militaire sans précédent dans la bande de Gaza (bien qu’historiquement parlant, il s’agissait de la sixième offensive militaire d’Israël à Gaza depuis son retrait unilatéral en 2005 et les offensives suivantes en 2008, 2012, 2014, 2018 et 2021) qui a commencé par une campagne de bombardements sur la bande de Gaza qui a duré jusqu’au 27 octobre, après quoi Israël a ajouté à sa campagne de bombardements une invasion terrestre dela bande de Gaza dans le cadre de l’opération  » Épées de fer ».

Le 23 novembre, 14 800 personnes avaient été tuées à Gaza (environ 6 000 enfants et quelque 4 000 femmes).

Entre le 24 et le 30 novembre 2023, un cessez-le-feu a été conclu à l’issue de négociations entre les parties, au cours desquelles le Hamas a libéré 105 otages (81 Israéliens, 23 Thaïlandais et un Philippin) en échange de 240 prisonniers palestiniens (107 enfants et 133 femmes), dont les trois quarts étaient incarcérés sans avoir été condamnés.

Les combats reprennent le 1er décembre.

À partir du 12 février, Israël annonce qu’il va bientôt lancer une invasion terrestre de Rafah, où 1,6 million de personnes sont entassées à partir du reste de la bande de Gaza, ce à quoi la communauté internationale et les États-Unis s’opposent frontalement et publiquement.

Le mois de mars a commencé par des taux de famine extrêmement élevés, en particulier dans la partie nord de la bande. De là est née la première distraction régionale, qui a consisté à annoncer en grande pompe que l’aide humanitaire arriverait à Gaza par bateau depuis Chypre (alors que des milliers de camions attendaient à la frontière égyptienne et qu’Israël les empêchait d’entrer dans la bande) par l’ONG World Central Kitchen, dirigée par le chef espagnol José Andrés, qui a des liens étroits avec le président américain. Cette diversion a été interrompue le 2 avril lorsqu’Israël a bombardé et tué sept des travailleurs humanitaires étrangers de l’ONG.

Israël a quitté l’hôpital Al Shifa le 1er avril après deux semaines d’opérations intensives qui ont totalement détruit l’hôpital.

Israël a de nouveau insisté sur l’invasion terrestre de Rafah et les États-Unis s’y sont de nouveau opposés. La deuxième diversion régionale a commencé. Israël a bombardé et détruit le consulat iranien à Damas le 1er avril 2024, tuant 16 personnes. Dans la soirée du 13 avril, l’Iran a lancé des centaines de drones et de missiles balistiques depuis son territoire en direction d’Israël, sans faire de victimes dans ce pays. Le 19 avril 2024, à 5h23, Israël a lancé une attaque de drones contre l’Iran, ciblant principalement la zone autour de la ville d’Ispahan, sans faire de victimes. Cette deuxième distraction régionale a été l’occasion pour la communauté internationale de porter de graves accusations contre l’Iran et de manifester à nouveau son soutien à Israël.

Le 5 mai, Israël a fermé les installations de la chaîne qatarie Al-Jazeera, le média international qui avait le plus couvert le conflit de Gaza depuis le début. Enfin, l’invasion terrestre de Rafah a commencé le lundi 6 mai 2024. Comme cela coïncidait avec des manifestations universitaires pro-palestiniennes aux États-Unis, Joe Biden, en cette année électorale, a temporairement interrompu la dernière livraison d’armes à Israël. Malgré cela, Israël a continué à tuer des civils à Gaza et surtout à Rafah en toute impunité. Le Bureau des Nations unies pour la coordination de l’action humanitaire (OCHA) a estimé qu’au 19 mai, 800 000 Palestiniens avaient été déplacés de Rafah vers le nord de la bande de Gaza sous la contrainte israélienne ; nombre d’entre eux sont morts dans la « zone de sécurité » vers laquelle Israël les a forcés à se déplacer.

Le 8 juin, le camp de réfugiés de Nuseirat a été le théâtre d’un massacre au cours duquel 274 Palestiniens ont trouvé la mort face aux attaques de l’armée israélienne visant à libérer quatre otages.

La guerre se poursuit. Au 3 juillet 2024, le nombre de morts palestiniens dans la bande de Gaza s’élève à 37953 et le nombre de blessés à 87266, auxquels il faut ajouter un chiffre d’environ 10000 personnes disparues (et peut-être sous les décombres). Parmi les nombreuses sources disponibles, les mises à jour de l’ONU sont recommandées (https://www.ochaopt.org/updates).

b) Principales réactions

Comme il est apparu clairement au fil des mois, Israël a ignoré les avertissements des services de renseignement reçus de diverses sources concernant l’attaque attendue du Hamas, ce qui a conduit à la démission, le 22 avril 2024, du général en charge du renseignement militaire israélien.

Dès le 13 octobre 2023, le professeur juif israélien Raz Segal, expert en holocauste et génocide, a décrit la situation à Gaza comme un génocide clair selon la Convention des Nations Unies contre le génocide de décembre 1948 en remplissant les deux conditions de base : (1) il y a une intention de détruire un groupe ; et (2) Israël commet trois des cinq actes énumérés à l’article II de la Convention.

Le 15 octobre, plus de 800 experts en droit international ont mis en garde dans un communiqué contre un génocide potentiel.

Dès le début, l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a appelé à une pause humanitaire et, comme aucun accord n’a pu être trouvé par les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) – les États-Unis ont opposé leur veto à une première résolution le 18 octobre -, elle a publié le 26 octobre la résolution d’urgence ES 10-21 appelant à une trêve humanitaire immédiate et durable, au respect du droit international et à la mise en place d’un mécanisme de protection de la vie des civils.

Une conférence humanitaire internationale s’est tenue à Paris le 9 novembre 2023 pour soutenir la crise humanitaire sans précédent à laquelle est confrontée la population civile de Gaza ; une réunion de suivi s’est également tenue à Paris le 6 décembre 2023.

Le 15 novembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une première résolution, la résolution 2712 (2023), qui n’appelait pas à un cessez-le-feu permanent, mais exigeait le respect du droit international humanitaire (DIH), en particulier en ce qui concerne la protection des civils.

Le 17 novembre, cinq pays, menés par l’Afrique du Sud, ont demandé au Bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d’étendre ses enquêtes sur les crimes commis dans les territoires occupés depuis 2014 à Gaza à partir du 8 octobre 2023, demande à laquelle se sont joints le Chili et le Mexique en janvier 2024.

Le 8 décembre, le CSNU s’est réuni à la demande du Secrétaire général des Nations unies (SGNU), en application des pouvoirs conférés par l’article 99 de la Charte des Nations unies, mais les États-Unis ont opposé leur veto à la résolution sur le cessez-le-feu.

Le 13 décembre, la CIA américaine révèle que près de 50 % des bombes air-sol utilisées par Israël sont des « dumb bombs », des bombes non guidées, qui ont un impact majeur sur les civils.

Le 21 décembre 2023, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale note dans une déclaration que « les discours haineux et déshumanisants à l’encontre des Palestiniens soulèvent de graves préoccupations quant à l’obligation d’Israël et des autres États parties de prévenir les crimes contre l’humanité et les génocides ».

Le 22 décembre 2023, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2720 (2023) appelant à la fourniture d’une aide humanitaire par tous les moyens disponibles.

Le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud a saisi la Cour internationale de justice (CIJ ) d’une plainte contre Israël au titre de la Convention sur le génocide, en demandant des mesures provisoires. L’audience sur ces mesures provisoires a eu lieu le 11 janvier 2024 (Afrique du Sud) et le 12 janvier (Israël), et le 26 janvier, la CIJ a rendu son ordonnance avec 6 mesures provisoires, qui n’incluaient pas la fin des opérations militaires israéliennes à Gaza comme le demandait l’Afrique du Sud.

À la suite de l’annonce par Israël, le 9 février, du lancement d’opérations militaires de grande envergure à Rafah, l’Afrique du Sud a demandé des mesures supplémentaires à la CIJ le 12 février, qui a informé les parties, le 16 février, que l’ordonnance du 26 janvier s’appliquait à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris à Rafah. De son côté, le Haut Commissaire aux droits de l’homme Türk a lancé un appel contre l’invasion de Rafah.

Compte tenu de la famine généralisée à Gaza, l’Afrique du Sud a de nouveau demandé des mesures supplémentaires le 6 mars et, le 28 mars, la CIJ a rendu une nouvelle ordonnance comportant trois mesures supplémentaires visant à atténuer la famine, en soulignant que l’ordonnance était contraignante.

Le 25 mars, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une nouvelle résolution, la 2728 (2024), appelant à un cessez-le-feu immédiat et à un accroissement de l’aide humanitaire.

Le 5 avril, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDH) a adopté une résolution appelant Israël à mettre fin à l’occupation et au blocus de Gaza, et les États à cesser le commerce d’armes avec Israël.

Le 26 avril, des manifestations ont été organisées dans des universités américaines pour réclamer la fin du génocide à Gaza. Ces manifestations se sont étendues à d’autres universités et ont commencé à être sévèrement réprimées par les autorités policières, une répression que le président Biden a soutenue le 2 mai.

Le 29 avril, des campements similaires ont débuté à l’université de Valence (Espagne), suivis par une trentaine d’universités dans le reste de l’Espagne. De même, l' »intifiada universitaire » s’est étendue aux campus du monde entier.

Le 5 mai, Israël a fermé la seule chaîne émettant avec du personnel à l’intérieur de Gaza, la chaîne qatarie Aljazeera. Et, le lendemain, après avoir minimisé les témoignages, Israël entame l’incursion terrestre à Rafah.

Face à l’impact considérable de l’invasion de Rafah, l’Afrique du Sud a de nouveau demandé des mesures supplémentaires le 10 mai et, le 24 mai, la CIJ a rendu une nouvelle ordonnance comportant trois mesures supplémentaires demandant à Israël de mettre immédiatement fin à son incursion à Rafah.

Le 17 mai, les États-Unis ont commencé à débarquer de l’aide humanitaire par un port temporaire installé à Gaza, mais la famine a conduit la population à prendre d’assaut les camions d’aide, et le 19 mai, le débarquement a été interrompu.

Le 31 mai, le président Biden a annoncé un plan de paix en trois phases (cessez-le-feu temporaire, cessation permanente des hostilités, reconstruction de Gaza) qui a été présenté au Conseil de sécurité des Nations unies et approuvé par la résolution 2735 du 10 juin, qu’Israël n’a pas acceptée et ne met pas en œuvre.

Le 11 juin, une autre conférence sur la réponse humanitaire d’urgence pour Gaza a eu lieu en Jordanie, organisée par la Jordanie, l’Égypte et les Nations unies.

Le 20 juin, le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a déclaré que « l’idée de détruire le Hamas est irréalisable, parce que c’est un parti qui vit dans le cœur des gens et que ceux qui disent que nous pouvons éliminer le Hamas se trompent ». Le gouvernement israélien a répondu en soulignant que la destruction des capacités militaires et organisationnelles du Hamas restait l’un des objectifs de la guerre.

1.2. Situation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est

Israël et ses colons ont également profité de la guerre à Gaza pour mener contre la population civile palestinienne, du 7 octobre 2023 au 3 juillet 2024, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, selon les données fournies par l’ONU :

539 exécutions extrajudiciaires, dont 131 enfants, perpétrées par l’armée israélienne et/ou les colons.

– 5420 blessures, dont 830 enfants, un tiers de ces blessures ayant été causées par l’utilisation de munitions.

– 1061 démolitions ou confiscations de structures palestiniennes, dont 398 maisons habitées, entraînant le déplacement de 2368 personnes, dont 1047 enfants.

– 45600 arbres palestiniens détruits par les colons.

Au cours de la même période, selon la même source de l’ONU, 14 Israéliens (9 soldats et 5 colons) ont été tués par des attaques palestiniennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et 105 ont été blessés (dont 90 soldats). À l’intérieur d’Israël, 8 Israéliens ont été tués par des attaques palestiniennes, et les 4 assaillants palestiniens.

Parallèlement, du 7 octobre au 21 juin 2024, on dénombre 9300 arrestations arbitraires, y compris de journalistes, auxquelles s’ajoutent des allégations de torture et de mauvais traitements infligés à des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes.

Ces actes ont été vivement critiqués par le Haut représentant des Nations unies pour les droits de l’homme et les ONG de défense des droits de l’homme.

En particulier, l’allégation selon laquelle Israël vole des organes et de la peau sur les corps des Palestiniens qu’il tue, allégation déjà documentée en 2009, a de nouveau été détectée et dénoncée par l’ONG de défense des droits de l’homme Euro-Med Human Rights Monitor.

2. Description détaillée des mesures prises par la communauté internationale

Voici une description plus détaillée des mesures prises par la communauté internationale pour tenter d’arrêter le génocide sioniste dans la bande de Gaza, mesures qui, au 4 juillet 2024, n’ont pas réussi à l’arrêter.

2.1. Déclarations des hauts fonctionnaires de l’ONU

Le Secrétaire général de l’ONU a fait d’innombrables déclarations depuis le début, appelant à un cessez-le-feu permanent, toutes extrêmement sévères à l’égard d’Israël. Le 16 mai 2024, il a appelé Israël à cesser son incursion à Rafah et à fournir les moyens de distribuer en toute sécurité l’aide humanitaire dont les stocks sont épuisés.

Pour sa part, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Volker Türk, a appelé à plusieurs reprises (comme le 19 décembre 2023) à un cessez-le-feu durable pour des raisons humanitaires et de droits de l’homme. Le 12 février 2024, Türk a lancé un appel angoissant sur les conséquences dévastatrices d’une incursion militaire israélienne à Rafah, incursion qu’Israël a entamée par voie terrestre le 6 mai.

2.2. Résolutions de l’AGNU

D’emblée, l’Assemblée générale des Nations unies, compte tenu de l’incapacité des membres du Conseil de sécurité des Nations unies à parvenir à un accord – les États-Unis ont opposé leur veto à une première résolution à cet effet le 18 octobre 2023 -, a publié le 26 octobre 2023 la résolution d’urgence ES 10-21, qui comporte les 14 paragraphes suivants :

  1. Demande une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, menant à la cessation des hostilités ;
  2. Prie instamment toutes les parties de s’acquitter immédiatement et pleinement des obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne la protection des civils et les biens de caractère civil, ainsi que la protection du personnel humanitaire, des personnes hors de combat, et des installations et biens humanitaires, et de permettre et de faciliter l’accès humanitaire pour l’acheminement de fournitures et services essentiels à tous les civils qui sont dans le besoin dans la bande de Gaza ;
  3. Demande instamment que la fourniture aux civils, dans l’ensemble de la bande de Gaza, de biens et services essentiels, notamment l’eau, la nourriture, les fournitures médicales, le carburant et l’électricité, soit assurée de façon immédiate, continue, sans entrave et en quantités suffisantes, en soulignant que le droit international humanitaire impose de veiller à ce que les civils ne soient pas privés des biens indispensables à leur survie ;
  4. Demande que l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient et d’autres organismes humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires d’exécution, le Comité international de la Croix – Rouge et toutes les autres organisations humanitaires bénéficient d’un accès immédiat, total, durable, sûr et sans entrave, dans le respect des principes humanitaires, en vue de l’acheminement d’une aide urgente aux civils de la bande de Gaza, encourage l’établissement de corridors humanitaires et d’autres initiatives visant à faciliter l’acheminement d’une aide humanitaire aux civils, et se félicite de l’action menée à cet égard ;
  5. Demande également l’annulation de l’ordre donné par Israël, Puissance occupante, aux civils palestiniens et au personnel des Nations Unies, ainsi qu’aux travailleurs humanitaires et médicaux, d’évacuer toutes les zones de la bande de Gaza situées au nord de Wadi Gaza et de se réinstaller dans le sud de la bande de Gaza, rappelle et réaffirme que les civils sont protégés au regard du droit international humanitaire et doivent recevoir une aide humanitaire où qu’ils soient, et rappelle qu’il importe de prendre des mesures appropriées pour garantir la sécurité et le bien -être des civils, en particulier des enfants, et leur protection, et permettre leur libre circulation ;
  6. Rejette fermement toute tentative de transfert forcé de la population civile palestinienne ;
  7. Demande la libération immédiate et inconditionnelle de tous les civils qui sont retenus illégalement en captivité, exige que leur sécurité et leur bien-être soient assurés et qu’ils soient traités avec humanité, conformément au droit international ;
  8. Demande également le respect et la protection, conformément au droit international humanitaire, de toutes les installations civiles et humanitaires, y compris les hôpitaux et les autres installations médicales, ainsi que de leurs moyens de transport et leur matériel, des écoles, des lieux de culte et des installations des Nations Unies, ainsi que du personnel humanitaire et médical et des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé, dans le conflit armé dans la région ;
  9. Met l’accent sur les effets particulièrement graves que le conflit armé a sur les femmes et les enfants, réfugiés et déplacés notamment, ainsi que sur les autres civils qui peuvent présenter des vulnérabilités particulières, tels que les personnes en situation de handicap et les personnes âgées ;
  10. Souligne l’importance d’établir de toute urgence un mécanisme pour veiller à la protection de la population civile palestinienne, conformément au droit international humanitaire et aux résolutions pertinentes des organes de l’ONU ;
  11. Insiste sur l’importance d’établir un mécanisme de notification humanitaire permettant de protéger les installations des Nations Unies et toutes les installations humanitaires et de garantir la circulation sans entrave des convois d’aide ;
  12. Souligne qu’il importe d’éviter une nouvelle déstabilisation et l’escalade de la violence dans la région et, à cet égard, demande à toutes les parties de faire preuve de la plus grande retenue et à tous les acteurs qui ont une influence sur elles d’œuvrer à la réalisation de cet objectif ;
  13. Réaffirme qu’on ne pourra parvenir à un règlement durable du conflit israélo-palestinien que par des moyens pacifiques, fondé sur les résolutions pertinentes des organes de l’ONU, dans le respect du droit international et sur la base de la solution des deux États ;
  14. Décide d’ajourner à titre provisoire la dixième session extraordinaire d’urgence et d’autoriser le Président de l’Assemblée à sa session la plus récente à en prononcer la reprise à la demande d’États Membres.

2.3. Résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies

2.3.1. Résolution 2712 (2023) du CSNU

Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté le 15 novembre une première résolution, la résolution 2712 (2023) du Conseil de sécurité des Nations unies, qui comporte sept points essentiels, à savoir :

  1. Exige de toutes les parties qu’elles s’acquittent des obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire, notamment pour ce qui est de la protection des civils et tout particulièrement des enfants ;
  2. Demande des pauses humanitaires urgentes et prolongées et des corridors dans l’ensemble de la bande de Gaza pendant un nombre suffisant de jours pour permettre, conformément au droit international humanitaire, un accès complet, rapide, durable, sûr et sans entrave pour les organismes humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires d’exécution, le Comité international de la Croix-Rouge et d’autres organisations humanitaires impartiales, afin de faciliter l’acheminement de façon continue, sans entrave et en quantités suffisantes, de biens et services essentiels, qui sont importants pour le bien-être des civils, en particulier des enfants, dans l’ensemble de la bande de Gaza, notamment l’eau, l’électricité, la nourriture et les fournitures médicales, ainsi que les réparations d’urgence des infrastructures essentielles, et de permettre des efforts urgents de sauvetage et de relèvement, notamment en ce qui concerne les enfants disparus dans des bâtiments endommagés ou détruits, y compris l’évacuation médicale des enfants malades ou blessés et des personnes s’occupant d’eux ;
  3. Demande la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages détenus par le Hamas et d’autres groupes, tout particulièrement des enfants, et la garantie d’un accès humanitaire immédiat ;
  4. Demande à toutes les parties de s’abstenir de priver la population civile de la bande de Gaza des services essentiels et de l’assistance humanitaire indispensables à sa survie, conformément au droit international humanitaire, privations qui ont un effet disproportionné sur les enfants, se félicite des premières livraisons, quoique limitées, de fournitures humanitaires aux civils de la bande de Gaza et demande l’intensification de la fourniture de ces articles pour satisfaire les besoins humanitaires de la population civile, tout particulièrement des enfants ;
  5. Souligne l’importance des mécanismes de coordination, de notification humanitaire et de désescalade pour protéger l’ensemble du personnel médical et humanitaire, les véhicules, notamment les ambulances, les sites humanitaires et les infrastructures critiques, y compris les installations de l’ONU, et pour faciliter la circulation des convois d’aide et des patients, en particulier des enfants malades ou blessés et des personnes s’occupant d’eux ;
  6. Prie le Secrétaire général de lui rendre compte oralement de l’application de la présente résolution à la prochaine séance prévue consacrée à la situation au Moyen-Orient et le prie également de trouver des moyens d’assurer effectivement le suivi de l’application de la présente résolution comme une question d’importance primordiale ;
  7. Décide de rester saisi de la question.

Les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie se sont abstenus.

2.3.2. Résolution 2720 (2023) du CSNU

Après une forte pression internationale sur les États-Unis, la résolution 2720 (2023) du CSNU a été adoptée le 22 décembre 2023, une résolution qui n’inclut pas le feu permanent, mais dont le paragraphe 12 est extrêmement important en ce qui concerne le jour d’après. Les 16 paragraphes dispositifs de cette résolution sont reproduits ci-dessous :

  1. Exige de nouveau de toutes les parties qu’elles s’acquittent des obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire, notamment pour ce qui est de la conduite des hostilités et de la protection des civils et des biens de caractère civil, de l’accès humanitaire et de la protection du personnel humanitaire et de sa liberté de circulation et du devoir, selon qu’il convient, d’assurer l’approvisionnement de la population, entre autres, en vivres et en produits médicaux, rappelle que les installations civiles et humanitaires, en particulier les hôpitaux, les installations médicales, les écoles, les lieux de culte et les installations des Nations Unies, ainsi que le personnel humanitaire et médical et leurs moyens de transport doivent être respectés et protégés, conformément au droit international humanitaire, et souligne qu’aucune disposition de la présente résolution ne décharge les parties de ces obligations ;
  2. Réaffirme les obligations qu’impose aux parties au conflit le droit international humanitaire concernant la fourniture d’une aide humanitaire, exige de toutes les parties qu’elles autorisent et facilitent l’acheminement immédiat, sûr et sans entrave d’une aide humanitaire à grande échelle directement à la population civile dans l’ensemble de la bande de Gaza et, à cet égard, demande de prendre de toute urgence des mesures visant à permettre immédiatement un accès humanitaire sûr, sans entrave et élargi et à créer les conditions d’une cessation durable des hostilités ;
  3. Exige de toutes les parties au conflit qu’elles autorisent et facilitent le recours à l’ensemble des voies d’accès et de circulation disponibles dans toute la bande de Gaza, notamment aux points de passage, y compris la mise en service intégrale et prompte de celui de Karam Abou Salem/Kerem Shalom dont l’ouverture a été annoncée, en vue de l’acheminement de l’aide humanitaire, pour veiller à ce que le personnel humanitaire et l’aide humanitaire, en particulier le carburant, la nourriture, les fournitures médicales et l’assistance à un hébergement d’urgence parviennent aux civils qui en ont besoin dans l’ensemble de la bande de Gaza sans détournement et par les voies les plus directes, ainsi que du matériel visant à réparer et à garantir le fonctionnement d’infrastructures critiques et à assurer des services essentiels, sans préjudice des obligations qu’impose le droit international humanitaire aux parties au conflit, et souligne qu’il importe de respecter et de protéger les points de passage et les infrastructures maritimes servant à l’acheminement d’une aide humanitaire à grande échelle ;
  4. Prie le Secrétaire général, afin d’accélérer l’acheminement de l’aide humanitaire à la population civile de la bande de Gaza, de nommer un coordonnateur de l’action humanitaire et de la reconstruction expérimenté, qui sera chargé de faciliter, de coordonner, de contrôler et de vérifier à Gaza, selon qu’il conviendra, le caractère humanitaire de l’ensemble des secours humanitaires acheminés à Gaza par l’intermédiaire d’États qui ne sont pas parties au conflit, demande que le Coordonnateur mette rapidement en place un mécanisme des Nations Unies destiné à accélérer l’acheminement des secours humanitaires à Gaza par l’intermédiaire d’États qui ne sont pas parties au conflit, en concertation avec toutes les parties concernées, l’objectif étant de simplifier, de dynamiser et d’accélérer la fourniture d’aide tout en continuant à faire en sorte que l’aide atteigne sa destination civile, et exige de toutes les parties au conflit qu’elles coopèrent avec le Coordonnateur pour que chacun s’acquitte de ses obligations sans retard ni obstruction ;
  5. Demande que le Coordonnateur soit nommé rapidement ;
  6. Décide que le Coordonnateur sera doté du personnel et du matériel nécessaires à Gaza, sous l’autorité de l’ONU, pour s’acquitter des fonctions énoncées dans la présente résolution et de toute autre fonction qu’il pourrait lui confier, et demande que le Coordonnateur l’informe de ses activités, son rapport initial devant lui être communiqué dans les premiers 20 jours, puis les suivants tous les 90 jours jusqu’au 30 septembre 2024 ;
  7. Exige la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et la garantie d’un accès humanitaire pour répondre à leurs besoins médicaux ;
  8. Exige la fourniture de carburant à Gaza en quantités suffisantes pour satisfaire les besoins humanitaires ;
  9. Demande à toutes les parties de respecter le droit international humanitaire et, à cet égard, déplore toutes les attaques contre les personnes civiles et les biens de caractère civil ainsi que tous les actes de violence et d’hostilité contre les personnes civiles et tous les actes de terrorisme ;
  10. Réaffirme que toutes les parties doivent s’acquitter des obligations que leur impose le droit international humanitaire, notamment pour ce qui est de respecter et de protéger les civils et de prendre toutes les précautions possibles pour épargner les biens de caractère civil, en particulier les biens cruciaux à la prestation de services essentiels à la population civile, de s’abstenir d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile, et de respecter et de protéger le personnel humanitaire ainsi que les articles destinés aux opérations de secours humanitaire ;
  11. Réaffirme que les biens de caractère civil, dont les lieux de refuge, y compris dans les installations des Nations Unies et leurs environs, sont protégés au regard du droit international humanitaire et rejette le déplacement forcé de la population civile, en particulier d’enfants, en violation du droit internatio nal, y compris le droit international humanitaire et le droit international des droits humains ;
  12. Réaffirme son attachement sans faille à la vision de la solution des deux États où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte e n paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, conformément au droit international et aux résolutions pertinentes des organes de l’ONU et, à cet égard, souligne l’importance d’unifier la bande de Gaza avec la Cisjordanie, sous l’Autorité palestinienne ;
  13. Exige de toutes les parties au conflit qu’elles prennent l’ensemble des dispositions nécessaires pour assurer la sûreté et la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, du personnel des institutions spécialisées des Nation s Unies et de toutes les autres personnes participant à des activités de secours humanitaires, conformément au droit international humanitaire, sans préjudice de leur liberté de circulation et d’accès, insiste sur la nécessité de ne pas entraver ces efforts et rappelle que le personnel chargé des secours humanitaires doit être respecté et protégé ;
  14. Exige l’application de la résolution 2712 (2023) dans son intégralité, prie le Secrétaire général de lui présenter par écrit un rapport dans les cinq jours ouvrés suivant l’adoption de la présente résolution sur l’application de la résolution 2712 (2023) et par la suite aussi souvent que nécessaire et demande à toutes les parties concernées d’utiliser pleinement les mécanismes de notification humanitaire et de désescalade du conflit mis en place pour protéger tous les sites humanitaires, y compris les installations des Nations Unies, et d’aider à faciliter la circulation des convois d’aide, sans préjudice des obligations faites aux parties de respecter le droit international humanitaire ;
  15. Prie le Secrétaire général de lui rendre compte de l’application de la présente résolution dans le cadre des rapports périodiques qu’il lui soumet ;
  16. Décide de rester activement saisi de la question.

Les États-Unis et la Russie se sont abstenus.

Le 26 décembre 2023, conformément au point 4 de cette résolution, le SGNU a nommé la politicienne et diplomate néerlandaise Sigrid Kaag coordinatrice principale pour les affaires humanitaires et la reconstruction. Le 12 avril 2024, le SG a nommé le diplomate jordanien Muhannad Hadi coordinateur adjoint.

2.3.3. Résolution 2728 (2024) du CSNU

Après une nouvelle pression internationale sur les États-Unis, la résolution 2728 (2024) du Conseil de sécurité de l’ONU a été adoptée le 25 mars 2024 :

  1. Exige un cessez-le-feu humanitaire immédiat pendant le mois du ramadan qui soit respecté par toutes les parties et mène à un cessez-le-feu durable, exige également la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et la garantie d’un accès humanitaire pour répondre à leurs besoins médicaux et autres besoins humanitaires, et exige en outre des parties qu’elles respectent les obligations que leur impose le droit international à l’égard de toutes les personnes qu’elles détiennent ;
  2. Insiste sur la nécessité urgente d’étendre l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils et de renforcer la protection des civils dans l’ensemble de la bande de Gaza et exige à nouveau la levée de toutes les entraves à la fourniture d’une aide humanitaire à grande échelle, conformément au droit international humanitaire et aux résolutions 2712 (2023) et 2720 (2023) ;
  3. Décide de rester activement saisi de la question.

Les États-Unis se sont abstenus.

2.3.4. Résolution 2735 (2024) du CSNU

Après une nouvelle pression internationale sur les États-Unis, la résolution 2735 (2024) du CSNU a été adoptée le 10 juin 2024, avec 14 voix pour et l’abstention de la Russie :

  1. Se félicite de la nouvelle proposition de cessez-le-feu annoncée le 31 mai, qu’Israël a acceptée, demande au Hamas de l’accepter également et exhorte les deux parties à en appliquer pleinement les dispositions, sans délai et sans condition ;
  2. Note que l’application de cette proposition permettrait d’obtenir les résultats suivants, en trois étapes : (a) Étape 1 : cessez-le-feu immédiat, total et complet et libération d’otages, notamment des femmes, des personnes âgées et des blessés, restitution des dépouilles d’otages ayant été tués, échange de prisonniers palestiniens, retrait des forces israéliennes des zones peuplées de Gaza, retour des civils palestiniens dans leurs foyers et leurs quartiers dans tous les secteurs de Gaza, y compris dans le nord, et distribution sûre et effective d’une aide humanitaire en quantité suffisante dans toute la bande de Gaza à tous les civils palestiniens qui en ont besoin, y compris d’unités de logement fournies par la communauté internationale ; (b) Étape 2 : avec l’accord des parties, cessation permanente des hostilités, en échange de la libération de tous les autres otages qui se trouvent encore à Gaza, et retrait total des forces israéliennes de Gaza ; (c) Étape 3 : lancement d’un vaste plan pluriannuel de reconstruction de Gaza et restitution aux familles des dépouilles des otages décédés qui se trouvent encore à Gaza;
  3. Souligne que, d’après la proposition, si les négociations durent plus de six semaines pour l’étape 1, le cessez-le-feu se poursuivra pendant toute la durée des négociations, et se félicite que les États-Unis d’Amérique, l’Égypte et le Qatar soient disposés à faire en sorte que les négociations se poursuivent jusqu’à ce que tous les accords aient été conclus et que l’étape 2 puisse commencer ;
  4. Souligne qu’il importe que les parties respectent les dispositions de cette proposition une fois qu’elle aura été approuvée et demande à tous les États Membres et à l’Organisation des Nations Unies d’appuyer son application ;
  5. Rejette toute tentative de changement démographique ou territorial dans la bande de Gaza, y compris tout acte visant à réduire le territoire de Gaza ;
  6. Réaffirme son attachement sans faille à la vision de la solution des deux États où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, conformément au droit international et aux résolutions pertinentes des organes de l’ONU et, à cet égard, souligne l’importance d’unifier la bande de Gaza avec la Cisjordanie, sous l’Autorité palestinienne ;
  7. Décide de rester saisi de la question.

La Russie s’est abstenue parce que, selon elle, le processus de négociation de cette résolution n’a pas été transparent et qu’il n’est pas certain qu’Israël la soutienne ; mais elle a indiqué qu’elle n’opposait pas son veto parce que le monde arabe la soutenait.

Au 3 juillet 2024, Israël n’avait toujours pas accepté la proposition de cessez-le-feu annoncée par le président américain Biden le 31 mai (et mentionnée au point 1 du dispositif de la présente résolution).

2.4. Résolutions du Conseil des droits de l’homme

Le 5 avril 2024, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDH) a adopté la résolution 55/28 sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, comportant 47 points de fond :

  1. Exige qu’Israël, Puissance occupante, mette un terme à son occupation des territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, et souligne que tous les efforts visant à mettre fin au conflit israélo-palestinien doivent être fondés sur le respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, ainsi que des résolutions pertinentes des Nations Unies ;
  2. Exige également qu’Israël lève immédiatement son blocus de la bande de Gaza et mette fin à toutes les autres formes de châtiment collectif ;
  3. Demande qu’un cessez-le-feu soit immédiatement instauré à Gaza, que soient immédiatement assurés l’accès humanitaire et l’acheminement d’une aide humanitaire d’urgence, en particulier par les points de passage et les voies terrestres, et que soit rétabli d’urgence l’approvisionnement de la population palestinienne de Gaza en produits de première nécessité ;
  4. Demande à tous les États de prendre immédiatement des mesures pour empêcher la poursuite du transfert forcé de Palestiniens à l’intérieur ou à partir de Gaza, conformément aux obligations qui leur incombent au regard du droit international ;
  5. Met en garde contre le lancement, dans la ville de Rafah, d’une opération militaire de grande envergure, qui risquerait d’avoir des conséquences désastreuses sur le plan humanitaire ;
  6. Condamne l’utilisation de la famine comme méthode de guerre contre la population civile de Gaza, le refus illégal d’accès humanitaire, l’entrave délibérée à l’acheminement des secours et la privation d’accès des civils aux biens indispensables à leur survie, notamment la nourriture, l’eau, l’électricité, le carburant et les télécommunications, par Israël, Puissance occupante ;
  7. Se déclare gravement préoccupé par les déclarations de responsables israéliens qui relèvent de l’incitation au génocide, et exige qu’Israël assume la responsabilité juridique qui lui incombe de prévenir le génocide et respecte pleinement les mesures provisoires indiquées par la Cour internationale de Justice le 26 janvier 2024 ;
  8. Déplore la politique actuelle d’Israël consistant à imposer des mesures punitives au peuple, à la société civile et aux dirigeants palestiniens, et demande à Israël de mettre fin à la pratique consistant à « retenir » les recettes fiscales palestiniennes ;
  9. Souligne l’impérieuse nécessité d’établir de façon crédible, rapide et globale les responsabilités pour toutes les violations du droit international, de sorte que les victimes puissent obtenir justice et qu’une paix juste et durable puisse être établie ;
  10. Se félicite de l’enquête menée actuellement par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale sur la situation dans le Territoire palestinien occupé et espère qu’elle se poursuivra, afin que les responsables de crimes relevant de la compétence de la Cour aient à répondre de leurs actes ;
  11. Réaffirme que toutes les mesures et décisions prises par Israël, Puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, en violation des dispositions applicables de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, et au mépris des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, sont illégales et n’ont aucune validité ;
  12. Affirme qu’aucun État ne doit reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave par un État d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général, ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation, et que tous les États doivent coopérer pour mettre fin par des moyens licites à toute violation grave ;
  13. Constate la violation grave, par Israël, de plusieurs normes impératives et demande à tous les États de veiller à ce que l’exportation d’armes ne contribue pas à cette situation illégale ou ne soit pas favorisée par celle-ci ;
  14. Demande à tous les États de cesser la vente, le transfert et le détournement d’armes, de munitions et d’autres équipements militaires à destination d’Israël, Puissance occupante, afin de prévenir de nouvelles violations du droit international humanitaire, ainsi que de nouvelles violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits, et de s’abstenir, conformément aux normes et règles internationales, d’exporter, de vendre ou de transférer des biens et technologies de surveillance et des armes à létalité réduite, y compris des biens à double usage, lorsqu’ils estiment qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que ces biens, technologies ou armes pourraient être utilisés pour violer des droits de l’homme ou y porter atteinte ;
  15. Déplore qu’Israël persiste dans son refus de coopérer avec les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales et les autres mécanismes des Nations Unies cherchant à enquêter sur les violations présumées du droit international dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et lui demande de coopérer pleinement avec lui, notamment dans le cadre de toutes ses procédures spéciales, de tous ses mécanismes pertinents et de toutes ses enquêtes, ainsi qu’avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ;
  16. Exige qu’Israël accorde un accès immédiat à la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, aux titulaires de mandat au titre de ses procédures spéciales, ainsi qu’au Haut-Commissariat ;
  17. Exige également qu’Israël, Puissance occupante, mette fin à toutes les actions menées illégalement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, notamment à l’établissement et à l’extension de colonies de peuplement, à la démolition de structures privées et résidentielles appartenant à des Palestiniens, y compris à la démolition d’habitations à titre punitif, au transfert forcé d’habitants palestiniens et au retrait, en vertu de plusieurs lois discriminatoires, des permis de résidence de Palestiniens vivant à Jérusalem-Est, aux travaux d’excavation réalisés sur des sites religieux et historiques et à proximité, et à toutes les autres mesures unilatérales tendant à modifier le caractère, le statut et la composition démographique du territoire dans son ensemble, mesures qui toutes ont, notamment, des conséquences graves pour les droits humains du peuple palestinien et pour les perspectives d’un règlement juste et pacifique ;
  18. Exige en outre qu’Israël, Puissance occupante, respecte les obligations juridiques que lui impose le droit international, comme indiqué dans l’avis consultatif rendu le 9 juillet 2004 par la Cour internationale de Justice et comme l’a exigé l’Assemblée générale dans ses résolutions ES-10/13 du 21 octobre 2003 et ES-10/15 du 20 juillet 2004, et qu’il arrête immédiatement la construction du mur dans le Territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est, démantèle dès maintenant l’ouvrage situé dans ce territoire, abroge ou prive d’effet l’ensemble des actes législatifs et réglementaires qui s’y rapportent et répare tous les dommages causés par la construction du mur, qui a eu des conséquences graves pour les droits de l’homme et la situation socioéconomique du peuple palestinien ;
  19. Demande à Israël d’arrêter immédiatement toute démolition ou tout projet de démolition qui entraîneraient la poursuite du transfert forcé ou de l’expulsion de Palestiniens, de faciliter le retour dans leurs habitations d’origine des familles et communautés palestiniennes qui ont déjà fait l’objet d’un transfert forcé ou d’une expulsion, de veiller à la mise à disposition de logements convenables et de garantir, dans la loi, la sécurité d’occupation ;
  20. Se déclare gravement préoccupé par les restrictions imposées par Israël qui empêchent les fidèles chrétiens et musulmans d’accéder aux lieux saints dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et demande à Israël de garantir l’absence de discrimination fondée sur la religion ou les convictions, ainsi que la préservation de tous les sites religieux et l’accès pacifique à ces sites ;
  21. Réaffirme qu’il incombe à Israël, Puissance occupante, de respecter le droit à la santé de toutes les personnes se trouvant dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de faciliter le passage immédiat, sans interruption et sans entrave, de l’aide humanitaire, y compris l’accès des membres du personnel médical, l’acheminement de l’équipement, des convois et du matériel humanitaires, dans toutes les zones occupées, et l’attribution d’autorisations de sortie aux patients ayant besoin d’un traitement médical hors de la bande de Gaza, et insiste sur la nécessité de laisser passer les ambulances sans les arrêter aux postes de contrôle, en particulier pendant les périodes de conflit ;
  22. Exhorte Israël à mettre fin à la discrimination exercée dans la répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris dans la vallée du Jourdain où, depuis 1967, les opérations de l’armée et les activités des colons ont entraîné la destruction de puits desservant les populations civiles locales, de citernes placées sur les toits et d’autres installations de distribution d’eau et d’irrigation ;
  23. Exige qu’Israël, Puissance occupante, se conforme pleinement au droit international, y compris au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’homme, et renonce à toutes les mesures et décisions prises en violation de ces corpus juridiques, ainsi qu’aux lois, politiques et actes discriminatoires dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, qui ont pour effet de violer les droits humains du peuple palestinien, notamment ceux qui prennent la forme d’un châtiment collectif en violation du droit international humanitaire, et qu’il cesse d’entraver l’acheminement de l’aide humanitaire et l’action indépendante et impartiale de la société civile ;
  24. Exige également qu’Israël prenne immédiatement des mesures pour interdire et abolir toutes ses politiques et pratiques discriminatoires, qui nuisent gravement et de manière disproportionnée à la population palestinienne dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, en mettant fin au système de routes séparées à l’usage exclusif de la population israélienne, à l’entreprise de colonisation et aux restrictions de la liberté de circulation des Palestiniens, et en démantelant le mur illégal ;
  25. Réaffirme qu’il faut se garder de faire l’amalgame entre critique de la violation par Israël du droit international et antisémitisme ;
  26. Réaffirme la nécessité de respecter l’unité, la continuité et l’intégrité de l’ensemble du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de garantir la libre circulation des personnes et des biens à l’intérieur du territoire palestinien, y compris la liberté d’entrer à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza et d’en sortir, de se rendre de Cisjordanie à la bande de Gaza et vice-versa, ainsi que de circuler entre le Territoire et le monde extérieur ;
  27. Condamne tous les actes de violence, y compris tous les actes de terreur, de provocation, d’incitation et de destruction, notamment le recours illégal à la force meurtrière et à d’autres formes de force excessive par les forces d’occupation israéliennes contre des civils palestiniens, notamment les civils auxquels le droit international accorde une protection spéciale et qui ne constituent pas une menace imminente pour la vie ;
  28. Condamne également l’utilisation par Israël d’armes explosives à large rayon d’action dans les zones peuplées de Gaza et l’utilisation de l’intelligence artificielle pour aider à la prise de décisions militaires, ce qui peut contribuer à la commission de crimes internationaux ;
  29. Se déclare gravement préoccupé par les répercussions de l’utilisation d’armes explosives sur les hôpitaux, les écoles, l’eau, l’électricité et les habitations, répercussions qui touchent des millions de Palestiniens ;
  30. Condamne les tirs de roquettes contre des zones civiles israéliennes, qui font des morts et des blessés, et appelle à la cessation de toutes les actions menées par des militants et des groupes armés qui sont contraires au droit international ;
  31. Condamne également les attaques visant des civils, notamment celles qui ont eu lieu le 7 octobre 2023, et exige que toutes les personnes encore retenues en otages, les personnes détenues arbitrairement et les personnes victimes de disparition forcée soient immédiatement libérées et que soit immédiatement assuré l’accès humanitaire aux otages et aux détenus, conformément au droit international ;
  32. Demande à tous les États de respecter le droit international, et à toutes les Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, conformément à l’article premier commun aux Conventions de Genève, et de s’acquitter des obligations que leur font les articles 146, 147 et 148 de la quatrième Convention de Genève, relatifs aux sanctions pénales, aux infractions graves et aux responsabilités des Hautes Parties contractantes ;
  33. Exhorte tous les États à continuer de fournir au peuple palestinien une aide d’urgence, notamment une assistance humanitaire et une aide au développement, pour remédier à la crise financière et à la situation socioéconomique et humanitaire désastreuse, en particulier dans la bande de Gaza, souligne le rôle de premier plan que joue l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, qui fournit des services essentiels à des millions de Palestiniens dans la région, et demande à tous les États de veiller à ce que l’Office reçoive un financement prévisible, durable et suffisant pour pouvoir s’acquitter de son mandat ;
  34. Demande qu’il soit mis fin à toutes les politiques actuelles de harcèlement, de menace, d’intimidation et de représailles, de détention et d’expulsion à l’égard des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des professionnels des médias et des acteurs de la société civile qui militent pacifiquement pour les droits du peuple palestinien, y compris en coopérant avec les organes chargés des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, demande que ces personnes soient protégées, et insiste sur la nécessité d’enquêter sur tous les actes de cette nature et de veiller à ce que les responsables aient à en répondre et à ce que des voies de recours utiles soient ouvertes aux victimes ;
  35. Se déclare préoccupé par la diffusion, notamment sur Internet, d’éléments de désinformation et de propagande qui peuvent être conçus et utilisés de façon à induire en erreur, à violer les droits humains, dont le droit à la liberté d’expression, à promouvoir la haine, le racisme, la xénophobie, des stéréotypes négatifs ou la stigmatisation et à inciter à la violence, à la discrimination et à l’hostilité, et souligne que les journalistes contribuent de manière importante à contrer ce phénomène ;
  36. Demande à Israël de réhabiliter les organisations humanitaires et autres organisations palestiniennes œuvrant dans le domaine des droits de l’homme qui ont été abusivement qualifiées d’organisations terroristes ou illicites et de ne pas se servir de la législation relative à la lutte contre le terrorisme pour fragiliser la société civile et mettre à mal le précieux travail de celle-ci et son importante contribution aux efforts faits pour assurer le respect du principe de responsabilité ;
  37. Affirme que les restrictions injustifiées que des États apportent aux manifestations pacifiques ou imposent aux organisations de la société civile qui œuvrent à la protection des droits de l’homme et au respect du droit international dans le contexte de l’assaut militaire contre Gaza sont contraires aux obligations qui incombent aux États au regard du droit international ;
  38. Se déclare profondément préoccupé par la situation des prisonniers et des détenus palestiniens, y compris des mineurs, dans les prisons et les centres de détention israéliens, ainsi que par le recours persistant à l’internement administratif, et demande à Israël d’interdire expressément la torture, y compris la torture psychologique, et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de respecter et d’honorer pleinement les obligations qui lui incombent au regard du droit international à l’égard de tous les prisonniers et détenus palestiniens placés sous sa garde, y compris en leur assurant un accès aux soins médicaux, d’appliquer pleinement l’accord conclu en mai 2012 prévoyant l’ouverture sans délai d’une enquête indépendante sur tous les cas de décès en détention, et de libérer immédiatement tous les prisonniers palestiniens, y compris les parlementaires, détenus en violation du droit international ;
  39. Exige qu’Israël mette un terme à sa politique de transfert de prisonniers du Territoire palestinien occupé au territoire israélien et respecte pleinement les obligations qui lui incombent au regard de l’article 76 de la quatrième Convention de Genève ;
  40. Réaffirme que les enfants doivent faire l’objet d’un respect particulier et être protégés contre toute forme d’attentat à la pudeur, souligne que toute arrestation, détention ou jugement d’enfants palestiniens par Israël constitue une violation de la Convention relative aux droits de l’enfant, et note que la politique israélienne consistant à engager des poursuites pénales contre des enfants devant des tribunaux militaires est illégale et qu’elle n’offre pas les garanties nécessaires pour que les droits de ces enfants soient respectés et porte atteinte à leur droit à la non-discrimination ;
  41. Insiste sur la nécessité de veiller à ce que tous les responsables de violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme répondent de leurs actes, par le jeu de mécanismes nationaux ou internationaux de justice pénale appropriés, équitables et indépendants, et de faire en sorte que toutes les victimes aient accès à un recours utile, y compris à des réparations complètes, et souligne qu’il est nécessaire de prendre des mesures concrètes pour que ces objectifs soient atteints, de sorte que toutes les victimes obtiennent justice et afin de contribuer à empêcher de futures violations et de futurs crimes internationaux ;
  42. Invite l’Assemblée générale à recommander au Gouvernement suisse, en sa qualité de dépositaire de la quatrième Convention de Genève, de convoquer rapidement la conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention sur les mesures à prendre pour imposer la Convention dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et la faire respecter, conformément à l’article premier commun aux quatre Conventions de Genève, en ayant à l’esprit la déclaration adoptée par la Conférence des Hautes Parties contractantes le 15 juillet 1999 et les déclarations adoptées par la Conférence le 5 décembre 2001 et le 17 décembre 2014 ;
  43. Demande à la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël d’établir un rapport sur le transfert ou la vente, tant directs qu’indirects, à Israël, Puissance occupante, d’armes, de munitions, de pièces, de composants et de biens à double usage, notamment ceux qui ont été utilisés au cours de l’opération militaire israélienne menée à Gaza depuis le 7 octobre 2023, et d’analyser les conséquences juridiques de ces transferts, en appliquant le droit international humanitaire, le droit international coutumier relatif à la responsabilité des États et le Traité sur le commerce des armes, le cas échéant, et de lui présenter son rapport à sa cinquante-neuvième session ;
  44. Prie le Secrétaire général, au vu de l’ampleur sans précédent des violations et des crimes commis, de fournir, notamment à titre volontaire, toutes les ressources supplémentaires nécessaires pour permettre à la Commission d’enquête de s’acquitter de son mandat, en particulier pour ce qui est de l’apport de compétences en matière d’enquête et de sensibilisation, et dans les domaines de l’analyse juridique et de la collecte de preuves ;
  45. Demande au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme de doter son bureau de pays dans le Territoire palestinien occupé du personnel, des compétences et des moyens logistiques supplémentaires nécessaires pour lui permettre de mettre en évidence les violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de faire en sorte que les auteurs de tels faits aient à répondre de leurs actes ;
  46. Prie le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de lui rendre compte de l’application de la présente résolution à sa cinquante-huitième session, après quoi un dialogue aura lieu ;
  47. Décide de rester saisi de la question.

Elle est adoptée par 28 voix pour, 13 abstentions et 6 voix contre (Allemagne, Argentine, Bulgarie, États-Unis, Malawi, Paraguay).

2.5. Affaire de l’Afrique du Sud contre les dirigeants israéliens devant la CPI

En 2018, la Palestine a saisi le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) des crimes commis dans les territoires occupés depuis le 13 juin 2014. Le Bureau du Procureur a ouvert une enquête, dans le cadre de laquelle il a demandé à la Chambre préliminaire I d’émettre un avis sur la « compétence territoriale » de la CIJ. Dans sa décision de février 2021, cette Chambre a conclu, à la majorité, que la « compétence territoriale » de la CIJ s’étendait à la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et à la bande de Gaza. En mars 2021, le Bureau du Procureur a annoncé l’ouverture d’une enquête.

Le 17 novembre 2023, cinq pays menés par l’Afrique du Sud ont soumis une demande au BdP pour étendre ses enquêtes à Gaza à partir du 7/10/2023, similaire à la demande faite par le Chili et le Mexique le 18/01/2024.

Le 20 mai 2024, le procureur général de la CPI, Karim Khan, a demandé la délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de son ministre de la Défense Yoav Gallant, ainsi que de trois dirigeants du Hamas : Yahya Sinwar, Mohamed Diab Ibrahim Al-Masri et Ismail Haniyah.

2.6. Afrique du Sud c. Israël Affaire de la CIJ : Convention sur le génocide

2.6.1. L’Afrique du Sud a demandé neuf mesures conservatoires

Dans ce contexte de désespoir total face aux bâtons que les États-Unis mettent dans les roues d’un cessez-le-feu permanent, l’Afrique du Sud, un pays qui, comme les Palestiniens, a également connu l’apartheid de première main, a déposé une plainte contre Israël le 29 décembre 2023 auprès de la CIJ en relation avec la Convention sur le génocide, à laquelle les deux pays sont parties. L’affaire s’intitule officiellement Afrique du Sud c. Israël : Convention sur le génocide. La requête sud-africaine vise à obtenir neuf mesures provisoires de protection pour la population civile de Gaza. Compte tenu de l’urgence, la CIJ a convoqué les parties à une audience publique sur les mesures provisoires les 11 et 12 janvier et a rendu une première ordonnance sur ces mesures le 26 janvier.

Les allégations contenues dans le paragraphe 114 du mémoire sud-africain sont particulièrement choquantes. Elles détaillent les différentes catégories de punitions collectives auxquelles Israël soumet la population de Gaza :

(1) tuer les Palestiniens de Gaza, y compris une grande proportion de femmes et d’enfants – estimés à environ 70 pour cent des plus de 21 110 morts – dont certains semblent avoir été exécutés sommairement ;

(2) en causant de graves préjudices mentaux et corporels aux Palestiniens de Gaza, notamment par des mutilations, des traumatismes psychologiques et des traitements inhumains et dégradants ;

(3) l’évacuation et le déplacement forcés de quelque 85 % des Palestiniens de Gaza – y compris des enfants, des personnes âgées, des malades et des blessés – ainsi que la destruction à grande échelle de maisons, de villages, de camps de réfugiés, de villes et de zones entières de Gaza, empêchant le retour d’une grande partie de la population palestinienne dans ses foyers ;

(4) la faim, la déshydratation et l’inanition généralisées des Palestiniens assiégés à Gaza, en empêchant l’acheminement d’une aide humanitaire suffisante, en coupant l’approvisionnement en eau, en nourriture, en carburant et en électricité, et en détruisant des boulangeries, des moulins, des terres agricoles et d’autres méthodes de production et de subsistance ;

(5) ne pas fournir et restreindre la fourniture d’abris, de vêtements, d’hygiène ou d’installations sanitaires adéquats aux Palestiniens de Gaza, y compris aux 1,9 million de personnes déplacées à l’intérieur du pays, forcées par les actions d’Israël à vivre dans des situations dangereuses de misère, tout en ciblant et en détruisant systématiquement les lieux de refuge et en tuant et blessant les personnes qui s’y réfugient, y compris les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées ;

(6) l’incapacité à satisfaire ou à garantir les besoins médicaux des Palestiniens de Gaza, y compris les besoins médicaux créés par d’autres actes génocidaires causant des lésions corporelles graves, notamment en attaquant directement les hôpitaux palestiniens, les ambulances et d’autres installations de santé à Gaza, en tuant des médecins, des infirmiers et des infirmières palestiniens, y compris les médecins les plus qualifiés de Gaza, et en détruisant et en mettant hors d’état de fonctionner le système médical de Gaza ; et

(7) la destruction de la vie palestinienne à Gaza, par la destruction des universités, des écoles, des tribunaux, des bâtiments publics, des archives publiques, des entrepôts, des bibliothèques, des églises, des mosquées, des routes, des infrastructures, des services publics et d’autres installations nécessaires à la vie durable des Palestiniens de Gaza en tant que groupe, ainsi que le meurtre de groupes familiaux entiers – effaçant des histoires orales entières à Gaza – et l’assassinat de membres éminents et distingués de la société.

(8) L’imposition de mesures visant à empêcher les naissances palestiniennes à Gaza, par le biais de la violence reproductive infligée aux femmes, aux nouveau-nés, aux nourrissons et aux enfants palestiniens.

Les neuf mesures provisoires demandées par l’Afrique du Sud, énoncées au paragraphe 144 de la communication de l’Afrique du Sud, étaient les suivantes

  1. L’État d’Israël doit immédiatement suspendre ses opérations militaires à Gaza et contre Gaza.
  2. L’État d’Israël veillera à ce que toute unité militaire ou armée irrégulière qui pourrait être dirigée, soutenue ou influencée par lui, ainsi que toute organisation et personne qui pourrait être soumise à son contrôle, à sa direction ou à son influence, n’agisse pas en faveur des opérations militaires visées au point (1) ci-dessus.
  3. La République d’Afrique du Sud et l’Etat d’Israël, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide à l’égard du peuple palestinien, prendront toutes les mesures raisonnables en leur pouvoir pour prévenir le génocide.
  4. L’Etat d’Israël, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, en ce qui concerne le peuple palestinien en tant que groupe protégé par la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, s’abstiendra de commettre tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier : (a) tuer des membres du groupe ; (b) l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe ; (c) imposer délibérément au groupe des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et (d) imposer des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe.
  5. L’État d’Israël doit, conformément au paragraphe 4 c) ci-dessus, en ce qui concerne les Palestiniens, s’abstenir de prendre toutes les mesures en son pouvoir, y compris l’abrogation des ordonnances, restrictions et/ou interdictions pertinentes, afin d’empêcher : (a) l’expulsion et le déplacement forcé de leurs foyers ; (b) la privation de : (i) d’accès à une nourriture et une eau adéquates ; (ii) d’accès à l’aide humanitaire, y compris l’accès à un combustible adéquat, à un abri, à des vêtements, à l’hygiène et à l’assainissement ; (iii) de fournitures et d’assistance médicales ; et (c) la destruction de la vie palestinienne à Gaza.
  6. L’État d’Israël, en ce qui concerne les Palestiniens, veillera à ce que ses forces armées, ainsi que toutes les unités armées irrégulières ou tous les individus qui peuvent être dirigés, soutenus ou autrement influencés par lui, et toutes les organisations et tous les individus qui peuvent être soumis à son contrôle, à sa direction ou à son influence, ne commettent aucun des actes décrits aux points (4) et (5) ci-dessus, ni ne se livre à une incitation directe et publique à commettre un génocide, à une entente en vue de commettre un génocide, à des tentatives de génocide ou à la complicité dans un génocide et, dans la mesure où ils sont commis, des mesures sont prises pour les punir conformément aux articles I, II, III et IV de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
  7. L’État d’Israël prendra des mesures efficaces pour empêcher la destruction et assurer la préservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ; à cette fin, l’État d’Israël n’agira pas pour refuser ou restreindre d’une autre manière l’accès des missions d’établissement des faits, des mandats internationaux et d’autres organismes à Gaza afin d’aider à assurer la préservation et la conservation de ces éléments de preuve.
  8. L’État d’Israël soumet à la Cour un rapport sur toutes les mesures prises pour donner effet à la présente ordonnance dans un délai d’une semaine à compter de la date de la présente ordonnance, puis à intervalles réguliers prescrits par la Cour, jusqu’à ce que celle-ci rende une décision définitive en l’affaire.
  9. L’État d’Israël s’abstient de toute action et veille à ce qu’aucune action ne soit entreprise qui pourrait aggraver ou élargir le différend soumis à la Cour ou en rendre le règlement plus difficile.

2.6.2. L’Afrique du Sud a exposé sa position le 11 janvier 2024

L’avocat sud-africain Tembeka Ngcukaitobi a présenté la partie peut-être la plus cruciale : l’intention génocidaire d’Israël.

En ce qui concerne la compétence prima facie de la CIJ, partie défendue par le vieux professeur sud-africain de droit international John Dugard, il s’est basé sur le fait que l’Afrique du Sud et Israël étaient tous deux parties à la Convention de Genève contre le génocide (une convention courte de seulement 16 articles) et que ni l’un ni l’autre n’avait émis de réserves à l’article IX (art. 9) de cette convention, qui stipule : « L’intention génocidaire d’Israël n’est pas une intention génocidaire. 9) de cette convention qui stipule : « Les différends entre les parties contractantes relatifs à l’interprétation, à l’application ou à l’exécution de la présente convention, y compris les différends relatifs à la responsabilité d’un État pour génocide ou pour l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III, seront soumis, à la requête de l’une des parties au différend, à la Cour internationale de justice ».

Ceci étant établi, l’avocate irlando-britannique Blinne Ni Ghrálaigh, dans une intervention impeccable où elle a mis des chiffres sur la barbarie (la guerre qu’Israël mène chaque jour tue 117 enfants, 3 personnels de santé, 2 enseignants, 1 fonctionnaire de l’ONU et 1 journaliste), fait 629 blessés ; 39 blessés et 39 blessés ; ), il a justifié l’urgence des mesures provisoires par le grand risque de dommages irréparables (préjudice irréparable) pour la population palestinienne, si ces mesures n’étaient pas approuvées. Il a ajouté que « si des mesures provisoires ont été justifiées dans l’affaire Qatar c. EAU où des personnes ont été forcées de quitter leur lieu de résidence et où quelque 150 étudiants n’ont pas pu passer leurs examens, comment ne seraient-elles pas justifiées à Gaza où 625 000 étudiants n’ont pas pu suivre les cours pendant trois mois ; 90 000 étudiants universitaires n’ont pas pu suivre les cours ; et des centaines d’enseignants ont été tués, ce qui détruit l’avenir… ». Enfin, il a évoqué l’affaire Congo contre Ouganda dans laquelle la CIJ a déclaré que le fait que cela se produise dans un contexte de conflit armé ne préjuge pas des mesures provisoires. De même, une simple augmentation de l’aide humanitaire n’empêcherait pas un préjudice irréparable, comme l’a constaté la CIJ dans l’affaire Arménie/Azerbaïdjan. Le problème, comme l’a souligné l’ONU, est que « la manière dont Israël mène ses opérations militaires ne permet pas la distribution de l’aide humanitaire, personne n’est en sécurité nulle part. Si Israël ne met pas fin à ses attaques militaires, la situation désastreuse dans laquelle se trouve la population civile de Gaza ne cessera pas et elle risque de subir des dommages irréparables. Et la Convention sur le génocide est bien plus qu’une procédure juridique, c’est avant tout la confirmation et l’approbation des principes fondamentaux de la morale ». Et malgré les reconnaissances théoriques contenues dans la Convention, la communauté internationale a laissé tomber les peuples du Rwanda, de Bosnie et des Rohingyas, qui ont demandé à la CIJ de faire un geste. Elle a également laissé tomber les Palestiniens en ignorant les avertissements de génocide potentiel que les experts internationaux ont commencé à émettre le 19 octobre.

L’avocat britannique Vaughan Lowe a expliqué en détail pourquoi l’Afrique du Sud ne pouvait pas poursuivre le Hamas en vertu de la Convention sur le génocide et a insisté sur les raisons pour lesquelles toutes les opérations militaires doivent cesser ; que, bien qu’il existe des exceptions à l’application de la Convention, il espérait qu’elles ne seraient pas retenues par la CIJ ; que l’exercice du droit de légitime défense ne peut ni justifier ni constituer une défense contre le génocide ; et que les engagements unilatéraux d’Israël ne sont pas suffisants et peuvent entraîner des conséquences si désastreuses qu’ils ne doivent pas être pris en compte.

2.6.3. Israël a exposé sa position le 12 janvier 2024

Israël a constamment souligné le caractère terroriste du Hamas (sans mentionner que c’est Israël qui a créé et renforcé le Hamas) ; la volonté du Hamas de détruire Israël (sans mentionner un mot que cela est lié aux violations systématiques et soutenues par Israël au fil du temps des droits de l’homme du peuple palestinien) ; et que l’Afrique du Sud n’avait pas réussi à démontrer l’intention ou la compétence prima facie et avait présenté les faits d’une manière confuse.

Israël a également excusé les déclarations de hauts responsables des forces de défense israéliennes ( FDI ) selon lesquelles les animaux palestiniens devaient être tués, en expliquant que ces déclarations étaient dues au mécontentement suscité par les événements du 7 octobre ; il a insisté sur le fait que l’IAF avait une unité, une unité, une unité et une unité d’objectif : que l’IAF disposait d’une unité, le COGAT, qui avait distribué de la nourriture, qui avait soutenu l’ouverture de sept boulangeries, qui avait coordonné l’envoi de bouteilles d’eau, de quatre hôpitaux de campagne et de deux flotteurs ; que l’approvisionnement en diesel et en gaz naturel n’avait jamais été interrompu (alors que l’ONU le dénonce depuis le début) ; que toutes les mesures provisoires demandées par l’Afrique du Sud pour tenter de démanteler un à un les cas de jurisprudence présentés par la partie sud-africaine devaient être refusées ; et que ce cas devait être rayé de la liste. En bref, le récit israélien ne comportait que très peu d’arguments juridiques convaincants. Même si Israël a répété tout au long de son discours de trois heures qu' »Israël s’est fermement engagé à respecter le droit international depuis la création de l’État d’Israël », le fait qu’il n’ait respecté aucune des résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies ou du Conseil de sécurité des Nations unies exigeant la sauvegarde de la vie des civils palestiniens parle de lui-même.

Le lendemain de l’audition publique à laquelle Israël a participé, le 13 janvier 2024, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déjà déclaré publiquement qu’il poursuivrait la guerre…., quelle que soit la décision de La Haye (en référence à la CIJ). Il semblerait qu’en bon sioniste, il se soucie peu du sort des 136 personnes encore détenues par le Hamas, non pas parce que le Hamas pourrait leur faire du mal (les personnes libérées lors de la seule pause humanitaire à ce jour ont confirmé que les groupes armés palestiniens les avaient bien traitées), mais parce que les niveaux de guerre sont tels qu’il est probablement presque impossible pour les groupes armés palestiniens de protéger ces 136 personnes des bombardements israéliens.

Fait encourageant pour l’avenir, le 9 janvier 2023, plus de 600 Israéliens ont envoyé une lettre à la CIJ pour exprimer leur soutien à l’affaire sud-africaine, déclarant que le gouvernement israélien prenait « des mesures systématiques pour anéantir, affamer, maltraiter et déplacer la population de Gaza ».

2.6.4. La CIJ rend une ordonnance de mesures provisoires le 26 janvier 2024

Le 26 janvier 2024, la CIJ a rendu une ordonnance dans laquelle, plus précisément au paragraphe 54, elle déclare : « De l’avis de la Cour, les faits et circonstances susmentionnés sont suffisants pour conclure que certains au moins des droits revendiqués par l’Afrique du Sud et dont elle demande la protection sont plausibles. Tel est le cas du droit des Palestiniens de Gaza d’être protégés contre les actes de génocide et les actes prohibés connexes visés à l’article III, et du droit de l’Afrique du Sud de demander à Israël de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

Sur la base de cette plausibilité de génocide, la CIJ a pris six mesures provisoires, qui n’incluent pas la suspension des opérations militaires. Plus précisément, la CIJ a ordonné que

  1. L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier les actes suivants : (a) meurtre de membres du groupe ; (b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; (c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et (d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
  2. L’État d’Israël doit veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés au point 1 ci-dessus ;
  3. L’État d’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ;
  4. L’État d’Israël doit prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ;
  5. L’État d’Israël doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application des articles II et III de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide commis contre les membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ;
  6. L’État d’Israël doit soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à la présente ordonnance dans un délai d’un mois à compter de la date de celle-ci.

2.6.5. L’Afrique du Sud a demandé des mesures supplémentaires le 12 février et la CIJ a rendu sa décision le 16 février

À la suite de l’annonce par Israël, le 9 février, de son intention de lancer des opérations militaires de grande envergure à Rafah, l’Afrique du Sud a déposé une demande de mesures additionnelles le 12 février et Israël a déposé des observations le 15 février.

Le 16 février, la CIJ a informé les parties de sa décision selon laquelle son ordonnance du 26 janvier s’appliquait à l’ensemble de Gaza, y compris Rafah, et qu’aucune mesure supplémentaire n’était nécessaire.

2.6.6. L’Afrique du Sud a demandé des mesures supplémentaires le 6 mars et la CIJ a rendu une ordonnance le 28 mars

Face à la famine généralisée à Gaza, l’Afrique du Sud a de nouveau demandé des mesures additionnelles le 6 mars, et Israël a déposé des observations le 15 mars.

Le 28 mars, la CIJ a rendu une nouvelle ordonnance comportant trois mesures conservatoires :

  1. Réaffirme les mesures conservatoires indiquées dans son ordonnance du 26 janvier 2024 ;
  2. Indique les mesures conservatoires suivantes : L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et au vu de la dégradation des conditions de vie auxquelles sont soumis les Palestiniens de Gaza, en particulier de la propagation de la famine et de l’inanition : (a) Prendre toutes les mesures nécessaires et effectives pour veiller sans délai, en étroite coopération avec l’Organisation des Nations Unies, à ce que soit assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence, notamment la nourriture, l’eau, l’électricité, le combustible, les abris, les vêtements, les produits et installations d’hygiène et d’assainissement, ainsi que le matériel et les soins médicaux, aux Palestiniens de l’ensemble de la bande de Gaza, en particulier en accroissant la capacité et le nombre des points de passage terrestres et en maintenant ceux-ci ouverts aussi longtemps que nécessaire ; (b) Veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette pas d’actes constituant une violation de l’un quelconque des droits des Palestiniens de Gaza en tant que groupe protégé en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, y compris en empêchant, d’une quelconque façon, la livraison d’aide humanitaire requise de toute urgence ;
  3. Décide que l’État d’Israël devra, dans un délai d’un mois à compter de la date de la présente ordonnance, soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à cette ordonnance.

Le communiqué de presse accompagnant l’ordonnance souligne que celle-ci a un effet contraignant.

2.6.7. La CIJ a fixé les dates de dépôt des observations écrites

Dans une ordonnance rendue le 5 avril, la CIJ donne à l’Afrique du Sud jusqu’au 28 octobre 2024 pour présenter ses conclusions écrites (mémorial) et à Israël jusqu’au 28 juillet 2025 pour présenter ses conclusions écrites (contre-mémoire).

2.6.8. L’Afrique du Sud a demandé des mesures supplémentaires le 10 mai et la CIJ a rendu son ordonnance le 24 mai

Face à l’entrée des troupes israéliennes à Rafah, l’Afrique du Sud a présenté une demande urgente de mesures additionnelles le 10 mai. Le 16 mai, l’Afrique du Sud a exposé sa requête lors d’une séance publique, demandant l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes à Rafah et à Gaza, l’accès à l’aide humanitaire et au personnel chargé de sa distribution, l’accès aux commissions d’enquête sur les crimes commis et l’accès aux journalistes pour obtenir des preuves de ces crimes. Le 17 mai, Israël est intervenu, rejetant la demande de mesures supplémentaires.

Le 24 mai, la CIJ a rendu une nouvelle ordonnance déclarant que l’intervention terrestre d’Israël à Rafah à partir du 7 mai avait gravement aggravé la situation à Gaza et par conséquent :

  1. Réaffirme les mesures conservatoires indiquées dans ses ordonnances des 26 janvier et 28 mars 2024, qui doivent être immédiatement et effectivement mises en œuvre ;
  2. Indique les mesures conservatoires suivantes : L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et au vu de la dégradation des conditions d’existence auxquels sont soumis les civils dans le gouvernorat de Rafah : (a) Arrêter immédiatement son offensive militaire, et toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah, qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; (b) Maintenir ouvert le point de passage de Rafah pour que puisse être assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence ; (c) Prendre des mesures permettant effectivement de garantir l’accès sans entrave à la bande de Gaza à toute commission d’enquête, toute mission d’établissement des faits ou tout autre organisme chargé par les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies d’enquêter sur des allégations de génocide ;
  3. Décide que l’État d’Israël devra, dans un délai d’un mois à compter de la date de la présente ordonnance, soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à cette ordonnance.

2.6.9. D’autres pays ont demandé l’autorisation d’intervenir pour soutenir l’Afrique du Sud

Le Nicaragua a demandé à la CIJ l’autorisation d’intervenir le 23 janvier 2024, la Colombie le 5 avril, la Libye le 10 mai, le Mexique le 24 mai, la Palestine le 3 juin et l’Espagne le 28 juin.

2.6.10. L’arrêt pourrait n’être rendu qu’en 2029 ou 2030

L’évolution de l’affaire peut être suivie sur le site web de la CIJ.

Ilest très difficile de prédire quand l’arrêt sur le fond sera rendu. Bien qu’il n’y ait pas deux affaires judiciaires identiques, les délais d’une affaire également pour génocide, Gambie contre Myanmar, suite au génocide au Myanmar en 2017 contre la minorité musulmane des Rohingyas, que la Gambie a portée devant la CIJ en novembre 2019, peuvent donner une idée provisoire des délais d’une procédure pour génocide. Ainsi, la Gambie a initié l’affaire le 29/11/2019 dans laquelle elle a également demandé des mesures conservatoires. Les audiences publiques sur ces mesures ont eu lieu en décembre 2019.

La CIJ a rendu son ordonnance de mesures conservatoires le 23/01/2020. Le même jour, elle a fixé une date pour le mémorial de la Gambie (23/07/2020) et pour le contre-mémorial du Myanmar (25/01/2021). À la demande de la Gambie, la CIJ a prorogé les délais au 23/10/2020 et au 23/07/2021.

La Gambie a soumis son mémoire dans le délai prolongé. Le 20/01/2021, Myanmar a déposé des exceptions préliminaires qui ont conduit à la suspension du procès sur le fond, et sur lesquelles la CIJ a statué par arrêt du 22/07/2022 dans le sens d’affirmer que la CIJ était bien compétente en l’espèce et que par conséquent la requête gambienne était recevable, et a fixé un nouveau délai au 24/04/2023 pour le contre-mémoire de Myanmar. Après deux demandes successives de Myamar de prolonger le délai jusqu’au 22/08/2023, Myamar a déposé son contre-mémoire dans le délai imparti.

Lors de l’audience du 26/09/2023, la Gambie a demandé 7 mois pour préparer une réponse au contre-mémoire du Myanmar. La CIJ a fixé au 16/05/2024 la date limite pour la réponse de la Gambie et au 16/12/2024 la date limite pour la contre-réponse du Myanmar.

Parallèlement, le 15/11/2023, six pays (Allemagne, Canada, Danemark, France, Pays-Bas et Royaume-Uni) ont demandé conjointement à participer à la procédure, de même que les Maldives.

En décembre 2024, plus de cinq ans se seront écoulés sans arrêt sur le fond, et l’arrêt sur le fond sera encore rendu quelque temps (un ou deux ans ?) après la réception de la contre-réponse, de sorte que l’arrêt sur le fond ne sera peut-être pas prêt avant 2025 ou 2026.

Un arrêt sur le fond dans l’affaireGaza, s’il suit des lignes similaires à l’affaire Gambie contre Myanmar pour les Rohingyas, pourrait n’intervenir qu’en 2029 ou 2030.

3. Évaluation

Israël, fort de sa position de force politique, militaire et informationnelle et de sa puissante machine de guerre, a ôté la vie à des dizaines de milliers de civils palestiniens, pour un coût très limité en termes de vies israéliennes et autres (par exemple, l’exode inverse de 550 000 Israéliens d’Israël vers les pays de double nationalité d’octobre 2023 à avril 2024).

Bien que la CIJ ne rende pas d’arrêt avant plusieurs années, elle s’est déjà prononcée sur la plausibilité du génocide et a donc rendu plusieurs ordonnances de mesures provisoires.

Malheureusement, les déclarations, résolutions et mesures provisoires adoptées par les différents organes de l’ONU (SGNU, AGNU, CSNU, CDH, CIJ) ou par la CPI n’ont pas réussi à mettre fin aux opérations militaires israéliennes, ni à contraindre Israël à laisser passer une aide humanitaire suffisante et à la distribuer en toute sécurité. Israël n’a respecté aucune de ces mesures parce qu’il continue de jouir de l’impunité en raison de la surprotection américaine, et bien qu’en tant que puissance occupante, Israël ne soit pas soumis à l’article 51 de la Charte des Nations unies sur la légitime défense, il continue de l’invoquer.

Il existe deux mesures qui n’ont pas encore été formulées et qui ont contribué à la résolution de conflits dans le passé, mais qui nécessitent l’approbation du Conseil de sécurité des Nations unies et auxquelles les États-Unis opposeraient leur veto :

  1. Les sanctions économiques. Bien que l’économie israélienne se soit contractée de 19 % au cours du dernier trimestre 2023, elle a rebondi en 2024.
  2. Embargo sur les armes. Israël a largué 70 000 tonnes de bombes sur Gaza entre octobre 2023 et avril dernier. Les experts de l’ONU réclament cet embargo depuis des mois, car Israël viole clairement le Traité sur le commerce des armes (TCA), qui interdit les ventes d’armes en cas de suspicion fondée de génocide.

En dehors du cadre de l’ONU, les pays arabes exportateurs d’hydrocarbures seraient en mesure d’imposer un embargo sur le pétrole et le gaz aux États-Unis et aux pays qui soutiennent Israël afin de les contraindre à mettre fin à la guerre. Toutefois, si ces pays arabes ont réussi à mettre en œuvre un embargo pétrolier en 1973, la situation est aujourd’hui très différente et il est peu probable qu’ils soient disposés à le mettre en œuvre ou, s’il était mis en œuvre, qu’il ait un réel effet dissuasif, étant donné que la dépendance des pays occidentaux à l’égard des hydrocarbures arabes est bien moindre.

Enfin, je voudrais rappeler qu’une partie importante de la communauté juive a soutenu sans relâche le cessez-le-feu et que les spécialistes juifs de l’Holocauste ont critiqué les autorités israéliennes pour avoir utilisé l’Holocauste à mauvais escient dans le contexte de la guerre de Gaza.

En conclusion, les Nations unies n’ont pas la capacité d’arrêter les guerres qui impliquent, directement ou indirectement, des pays disposant d’un droit de veto au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Le système actuel ne fonctionne pas. Pour qu’il fonctionne, l’ONU doit être réformée et les droits de veto de ses cinq membres permanents actuels doivent être supprimés. Cependant, les articles 108 et 109 de la Charte des Nations unies (qui définissent les mécanismes de réforme de l’organisation) exigent l’unanimité des cinq membres permanents pour toute réforme.

Et comme ces cinq pays ne renonceront jamais de leur propre chef à ce droit de veto, pour que le système fonctionne, des dynamiques innovantes seront nécessaires, menées par les sociétés civiles au niveau mondial qui exigent ce changement. Un vœu pieux (wishful thinking)? Peut-être, mais l’alternative est de continuer comme avant : remplir des pages de bonnes intentions pendant que des milliers d’êtres humains souffrent et meurent.

Il faut espérer que l’immense souffrance qui a été et continue d’être vécue à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que la souffrance qui a été et continue d’être vécue par les familles des otages et les familles des soldats israéliens décédés, serviront à changer la dynamique et les règles du jeu politique actuel en Israël, en Palestine, ainsi qu’entre Israël et la Palestine. Les dirigeants sionistes israéliens restent attachés à leur objectif souterrain du Grand Israël et n’autoriseront donc jamais la création d’un État palestinien viable. Cela doit changer. Le peuple palestinien a le même droit que le peuple israélien de vivre dans la dignité, la justice, la paix, la démocratie et le respect de l’ensemble de ses droits humains. Espérons que nous y parviendrons et que nous y parviendrons bientôt.

 

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